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HISTOIRE DE FRANCE

pour l’Église. « Moi donc, Guillaume Nogaret, homme privé, et non pas seulement homme privé, mais chevalier, tenu, par devoir de chevalerie, à défendre la république, il m’était permis, il m’était imposé de résister au susdit tyran pour la vérité du Seigneur. — Item, comme ainsi soit que chacun est tenu de défendre sa patrie, au point qu’on mériterait récompense si, en cette défense, on tuait son père[1], il m’était loisible, que dis-je ? obligatoire, de défendre ma patrie, le royaume de France, qui avait à craindre le ravage, le glaive, etc. »

Puis donc que Boniface sévissait contre l’Église et contre lui-même, more furiosi, il fallait bien lui lier les pieds et les mains. Ce n’était pas là acte d’ennemi, bien au contraire.

Mais voilà qui est plus fort. C’est Nogaret qui a sauvé la vie à Boniface, et il a encore sauvé un de ses neveux. Il n’a laissé donner à manger au pape que par gens à qui il se fiait. Aussi Boniface délivré lui a donné l’absolution. À Anagni même, Boniface a prêché devant une grande multitude que tout ce qui lui était arrivé par Nogaret ou ses gens lui était venu du Seigneur.

Cependant le procès du Temple avait commencé à grand bruit, malgré la désertion du grand maître. Le 28 mars 1310, les commissaires se firent amener dans le jardin de l’évêché les chevaliers qui déclaraient vouloir défendre l’ordre ; la salle n’eût pu les conte-

  1. « Pro qua defensione si patrem occidat meritum habet, nec pœnas meretur. » (Dupuy.)