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DESTRUCTION DE L’ORDRE DU TEMPLE

nir : ils étaient cinq cent quarante-six. On leur lut en latin les articles de l’accusation. On voulait ensuite les leur lire en français. Mais ils s’écrièrent que c’était bien assez de les avoir entendus en latin, qu’ils ne se souciaient pas que l’on traduisît de pareilles turpitudes en langue vulgaire. Comme ils étaient si nombreux, pour éviter le tumulte, on leur dit de déléguer des procureurs, de nommer quelques-uns d’entre eux qui parleraient pour les autres. Ils auraient voulu parler tous, tant ils avaient repris courage. « Nous aurions bien dû aussi, s’écrièrent-ils, n’être torturés que par procureurs[1]. » Ils déléguèrent pourtant deux d’entre eux, un chevalier, frère Raynaud de Pruin, et un prêtre, frère Pierre de Boulogne, procureur de l’ordre près la cour pontificale. Quelques autres leur furent adjoints.

Les commissaires firent ensuite recueillir par toutes les maisons de Paris qui servaient de prison aux Templiers[2], les dépositions de ceux qui voudraient défendre l’ordre. Ce fut un jour affreux qui pénétra dans les prisons de Philippe-le-Bel. Il en sortit d’étranges voix, les unes fières et rudes, d’autres pieuses, exaltées, plusieurs naïvement douloureuses. Un des chevaliers dit seulement : « Je ne puis pas plaider à moi seul contre le pape et le roi de France[3]. » Quelques-uns

  1. App. 75.
  2. Les uns étaient gardés au Temple, les autres à Saint-Martin-des-Champs, d’autres à l’hôtel du comte de Savoie et dans diverses maisons particulières. (Process. ms.)
  3. « Respondit quod nolebat litigare cum Dominis papa et rege Franciæ. » (Process. ms.)