Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 3.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
136
HISTOIRE DE FRANCE

remettent pour toute déposition une prière à la Sainte Vierge : « Marie, étoile des mers, conduis-nous au port du salut[1]… » Mais la pièce la plus curieuse est une protestation en langue vulgaire, où, après avoir soutenu l’innocence de l’ordre, les chevaliers nous font connaître leur humiliante misère, le triste calcul de leurs dépenses[2]. Étranges détails et qui font un cruel contraste avec la fierté et la richesse tant célébrée de cet ordre !… Les malheureux, sur leur pauvre paye de douze deniers par jour, étaient obligés de payer le passage de l’eau pour aller subir leurs interrogatoires dans la Cité, et de donner encore de l’argent à l’homme qui ouvrait ou rivait leurs chaînes.

Enfin les défenseurs présentèrent un acte solennel au nom de l’ordre. Dans cette protestation singulièrement forte et hardie, ils déclarent ne pouvoir se défendre sans le grand maître, ni autrement que devant le concile général. Ils soutiennent « que la Religion du Temple est sainte, pure et immaculée devant Dieu et son Père[3]. L’institution régulière, l’observance salutaire, y ont toujours été, y sont encore en vigueur. Tous les frères n’ont qu’une profession de foi qui dans tout l’univers a été, est toujours observée de tous, depuis la fondation jusqu’au jour présent. Et qui dit ou croit autrement, erre totalement, pèche mortellement. » C’était une affirmation bien hardie de soutenir que tous étaient restés fidèles aux règles de la fondation primitive ; qu’il n’y avait eu nulle déviation, nulle cor-

  1. App. 76.
  2. App. 77.
  3. App. 78.