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HISTOIRE DE FRANCE

dait pour lui et ses frères, les Franciscains réformés, c’était qu’on ne les forçât pas de rentrer dans les couvents trop relâchés, trop riches, où ils ne se trouvaient pas assez pauvres à leur gré.

L’Imitation pour ces mystiques, c’était la charité et la pauvreté. Dans l’ouvrage le plus populaire de ce temps, dans la Légende dorée, un saint donne tout ce qu’il a, sa chemise même ; il ne garde que son Évangile. Mais un pauvre survenant encore, le saint donne l’Évangile[1]

La pauvreté, sœur de la charité, était alors l’idéal des Franciscains[2]. Ils aspiraient à ne rien posséder. Mais cela n’est pas si facile que l’on croit. Ils mendiaient, ils recevaient ; le pain même reçu pour un jour, n’est-ce pas une possession ? Et quand les aliments étaient assimilés, mêlés à leur chair, pouvait-on dire qu’ils ne fussent à eux ?… Plusieurs s’obstinaient à le nier[3]. Bizarre effort pour échapper vivant aux conditions de la vie.

Cela pouvait paraître ou sublime ou risible ; mais au premier coup d’œil, on n’en voyait pas le danger. Cependant, faire de la pauvreté absolue la loi de l’homme, n’était-ce pas condamner la propriété ? précisément comme, à la même époque, les doctrines de fraternité idéale et d’amour sans borne annulaient le mariage, cette autre base de la société civile.

À mesure que l’autorité s’en allait, que le prêtre

  1. App. 89.
  2. Dante célèbre le mariage de la pauvreté et de saint François. Ubertino dit ce mot : « La lampe de la foi, la pauvreté… »
  3. App. 90.