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HISTOIRE DE FRANCE

rédemption des femmes ; on la croyait volontiers ; elle était belle et de doux langage[1].

Le mysticisme des Franciscains n’était guère moins alarmant[2]. Le pape devait condamner leur trop rigoureuse logique, leur charité, leur pauvreté absolue. L’idéal devait être condamné, l’idéal des vertus chrétiennes !

Chose dure et odieuse à dire ! combien plus choquante encore, quand la condamnation partait de la bouche d’un Clément V ou d’un Jean XXII. Quelque morte que pût être la conscience de ces papes, ne devaient-ils pas se troubler et souffrir en eux-mêmes, quand il leur fallait juger, proscrire, ces malheureux sectaires, cette folle sainteté, dont tout le crime était de vouloir être pauvres, de jeûner, de pleurer d’amour, de s’en aller pieds nus par le monde, de jouer, innocents comédiens, le drame suranné de Jésus[3] ?

L’affaire des Templiers fut reprise au printemps. Le roi mit la main sur Lyon, leur asile. Les bourgeois

  1. App. 92.
  2. Eux aussi avaient prêché que l’âge d’amour commençait. Depuis la venue du Christ jusqu’à son retour devaient s’écouler sept âges, « le sixième, âge de rénovation évangélique, d’extirpation de la secte antichrétienne sous les pauvres volontaires, ne possédant rien en cette vie. Cet âge avait commencé à saint François, l’homme séraphique, l’ange du sixième sceau de l’Apocalypse. » — Il semblait qu’il fût comme une nouvelle incarnation de Jésus (Jesus Franciscum generans), et sa règle comme un nouvel Évangile. (Ubertino.)
  3. Ubertino, dans son désir de représenter l’Évangile, assure qu’il en avait senti et revêtu spirituellement tous les personnages, qu’il se figurait être, tantôt le serviteur ou le frère du Sauveur, tantôt le bœuf, l’âne ou le foin, quelquefois le petit Jésus. Il assistait au supplice, se croyant la pécheresse Madeleine ; puis il devenait Jésus sur la croix et criant à son Père. Enfin l’esprit l’enlevait dans la gloire de l’Ascension.