Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 3.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
155
DESTRUCTION DE L’ORDRE DU TEMPLE

l’avaient appelé contre leur archevêque ; cette ville impériale était délaissée de l’Empire, et elle convenait trop bien au roi, non seulement comme le nœud de la Saône et du Rhône, la pointe de la France à l’est, la tête de route vers les Alpes ou la Provence, mais surtout comme asile de mécontents, comme nid d’hérétiques. Philippe y tint une assemblée de notables. Puis il vint au concile avec ses fils, ses princes et un grand cortège de gens armés ; il siégea à côté du pape, un peu au-dessous.

Jusque-là, les évêques s’étaient montrés peu dociles : ils s’obstinaient à vouloir entendre la défense des Templiers. Les prélats d’Italie, moins un seul ; ceux d’Espagne, ceux d’Allemagne et de Danemark ; ceux d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande ; les Français même, sujets de Philippe (sauf les archevêques de Reims, de Sens et de Rouen), déclarèrent qu’ils ne pouvaient condamner sans entendre[1].

Il fallut donc qu’après avoir assemblé le concile, le pape s’en passât. Il assembla ses évêques les plus sûrs, et quelques cardinaux, et dans ce consistoire il abolit l’ordre, de son autorité pontificale[2]. L’abolition fut prononcée ensuite en présence du roi et du concile. Aucune réclamation ne s’éleva.

Il faut avouer que ce procès n’était pas de ceux qu’on peut juger. Il embrassait l’Europe entière ; les

  1. Walsingham.
  2. La plupart des historiens ont cru que l’ordre avait été jugé par le concile ; la bulle d’abolition n’a été imprimée pour la première fois que trois siècles après, en 1606. App. 93.