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HISTOIRE DE FRANCE

dépositions étaient par milliers, les pièces innombrables ; les procédures avaient différé dans les différents États. La seule chose certaine, c’est que l’ordre était désormais inutile, et de plus dangereux. Quelque peu honorables qu’aient été ses secrets motifs, le pape agit sensément. Il déclare, dans sa bulle explicative, que les informations ne sont pas assez sûres, qu’il n’a pas le droit de juger, mais que l’ordre est suspect : ordinem valde suspectum[1]. Clément XIV n’agit pas autrement à l’égard des Jésuites.

Clément V s’efforça ainsi de couvrir l’honneur de l’Église. Il falsifia secrètement les registres de Boniface[2], mais il ne révoqua par-devant le concile qu’une seule de ses bulles (Clericis laïcos), celle qui ne touchait point la doctrine, mais qui empêchait le roi de prendre l’argent du clergé.

Ainsi, ces grandes querelles d’idées et de principes retombèrent aux questions d’argent. Les biens du Temple devaient être employés à la délivrance de la terre sainte et donnés aux Hospitaliers[3]. On accusa même cet ordre d’avoir acheté l’abolition du Temple. S’il le fit, il fut bien trompé. Un historien assure qu’il en fut bientôt appauvri. Jean XXII se plaignait, en 1316, de ce que le roi se payait de la garde des Templiers en saisissant les biens mêmes des Hospi-

  1. App. 94.
  2. On trouve aujourd’hui en blanc, dans ces registres, les pages qui ont été raturées très adroitement.
  3. Cependant en Aragon, Jean XXII, à la requête du roi, applique les biens du Temple, non aux Hospitaliers, mais au nouvel ordre de Monteza (monastère fortifié du royaume de Valence, dépendance de Calatrava).