Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 3.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
167
SUITE DU RÈGNE DE PHILIPPE-LE-BEL

tout. La reine mourut peu après. Mais soit qu’on ne pût rien prouver, soit que Guichard eût trop d’amis en cour, son affaire traîna. On le retint en prison[1].

Le Diable, entre autres métiers, faisait celui d’entremetteur. Un moine, dit-on, trouva moyen par lui de salir toute la maison de Philippe-le-Bel. Les trois princesses ses belles-filles, épouses de ses trois fils, furent dénoncées et saisies[2]. On arrêta en même temps deux frères, deux chevaliers normands qui étaient attachés au service des princesses. Ces malheureux avouèrent dans les tortures que, depuis trois ans, ils péchaient avec leurs jeunes maîtresses, « et même dans les plus saints jours[3] ». La pieuse confiance du moyen âge, qui ne craignait pas d’enfermer une grande dame avec ses chevaliers dans l’enceinte d’un château, d’une étroite tour, le vasselage qui faisait aux jeunes hommes un devoir féodal des soins les plus doux, était une dangereuse épreuve pour la nature humaine, quand la religion faiblissait[4]. Le Petit Jehan de Saintré, ce conte ou cette histoire du temps de Charles VI, ne dit que trop bien tout cela.

Que la faute fût réelle ou non, la punition fut atroce. Les deux chevaliers, amenés sur la place du Martroi,

  1. La dénonciation avait été d’autant mieux accueillie que Guichard passait pour être fils d’un démon, d’un incube. (Archives, section hist., J. 433.)
  2. Marguerite, fille du duc de Bourgogne ; Jeanne et Blanche, filles du comte de Bourgogne (Franche-Comté). « Mulierculis… adhuc ætate juvenculis. » (Contin. G. de Nangis.)
  3. « Pluribus locis et temporibus sacrosanctis ».
  4. Jean de Meung Clopinel, qui, dit-on, par ordre de Philippe-le-Bel, allongea de dix-huit mille vers le trop long Roman de la Rose, exprime brutalement ce qu’il pense des dames de ce siècle. On conte que ces dames,