Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 3.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
183
SUITE DU RÈGNE DE PHILIPPE-LE-BEL

Le jeune roi octroie et signe tout. Il y a seulement trois points où il hésite et veut ajourner. Les seigneurs de Bourgogne réclament contre le roi la juridiction sur les rivières, les chemins et les lieux consacrés. Ceux de Champagne doutent que le roi ait le droit de les mener à la guerre hors de leur province. Ceux d’Amiens, avec la violence picarde, requièrent sans détour que tous les gentilshommes puissent guerroyer les uns aux autres, ne donner trêves, mais chevaucher, aller, venir et estre à arme en guerre et forfaire les uns aux autres… À ces demandes insolentes et absurdes, le roi répond seulement : « Nous ferons voir les registres de Monseigneur saint Loys et bailler ausdits nobles deus bonnes personnes, tiels comme il nous nommerons de nostre conseil, pour savoir et enquérir diligemment la vérité dudit article… »

La réponse était assez adroite. Ils demandaient tous qu’on revînt aux bonnes coutumes de saint Louis ; ils oubliaient que saint Louis s’était efforcé d’empêcher les guerres privées. Mais par ce nom de saint Louis ils n’entendaient autre chose que la vieille indépendance féodale, le contraire du gouvernement quasi-légal, vénal et tracassier de Philippe-le-Bel.

Les grands détruisaient pièce à pièce tout ce gouvernement du feu roi. Mais ils ne le croyaient pas mort tant qu’ils n’avaient pas fait périr son alter ego, son maire du palais, Enguerrand de Marigni, qui dans les dernières années avait été coadjuteur et recteur du royaume, qui s’était laissé dresser une statue au Palais à côté de celle du roi. Son vrai nom était Le Portier ;