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VÊPRES SICILIENNES

maison. Toute insulte que les vainqueurs pouvaient faire au peuple sicilien ne leur semblait que représailles. On connaît la pétulance des Provençaux, leur brutale jovialité. S’il n’y eût eu encore que l’antipathie nationale et l’insolence de la conquête, le mal eût pu diminuer. Mais ce qui menaçait d’augmenter, de peser chaque jour davantage, c’était un premier, un inhabile essai d’administration, l’invasion de la fiscalité, l’apparition de la finance dans le monde de l’Odyssée et de l’Énéide. Ce peuple de laboureurs et de pasteurs avait gardé sous toute domination quelque chose de l’indépendance antique. Il avait eu jusque-là des solitudes dans la montagne, des libertés dans le désert. Mais voilà que le fisc explore toute l’île. Curieux voyageur, il mesure la vallée, escalade le roc, estime le pic inaccessible. Le percepteur dresse son bureau sous le châtaignier de la montagne ou poursuit, enregistre le chevrier errant aux corniches des rocs entre les laves et les neiges.

Tâchons de démêler la plainte de la Sicile à travers cette forêt de barbarismes et de solécismes, par laquelle écume et se précipite la torrentueuse éloquence de Barthélemi de Néocastro : « Que dire de leurs inventions inouïes ? de leurs décrets sur les forêts ? de l’absurde interdiction du rivage ? de l’exagération inconcevable du produit des troupeaux ? Lorsque tout périssait de langueur sous les lourdes chaleurs de l’automne, n’importe, l’année était toujours bonne, la moisson abondante… Il frappait tout à coup une monnaie d’argent pur, et pour un denier sicilien s’en faisait