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SUITE DU RÈGNE DE PHILIPPE-LE-BEL

liers de prendre le parti de la reine[1]. Il fit même croire qu’il voulait l’arrêter et la renvoyer à son mari. En vrai fils de Philippe-le-Bel, il ne lui donna pas d’armée, mais de l’argent pour en avoir une. Cet argent fut prêté par les Bardi, banquiers florentins. D’autre part, le roi de France envoyait des troupes en Guyenne pour réprimer, disait-il, quelques aventuriers gascons.

Le comte de Hainaut donna sa fille en mariage au jeune fils d’Isabeau, et le frère du comte se chargea de conduire la petite troupe qu’elle avait levée. De grandes forces n’auraient pu que nuire, en alarmant les Anglais. Édouard était désarmé, livré d’avance. Il envoya sa flotte contre elle ; mais la flotte n’avait garde de la rencontrer. Il dépêcha Robert de Watteville avec des troupes, qui se réunirent à elle. Il implora les gens de Londres ; ceux-ci répondirent prudemment « qu’ils avaient privilège de ne point sortir en bataille ; qu’ils ne recevraient pas d’étrangers, mais bien volontiers le roi, la reine et le prince royal. » Non moins prudemment les gens d’Église accueillaient la reine à son arrivée. L’archevêque de Cantorbéry prêcha sur ce texte : « La voix du peuple est la voix de Dieu. » L’évêque d’Hereford sur cet autre : « C’est au chef que j’ai mal, Caput meum doleo[2]. » Enfin l’évêque d’Oxford prit le texte de la Genèse : « Je mettrai inimitié entre toi et la femme, et elle t’écrasera la tête. » Prophétie homicide qui se vérifia.

Cependant la reine s’avançait avec son fils et sa

  1. App. 142.
  2. Il concluait que le seul moyen de guérir le corps était de lui couper la tête.