lointains, à Tyr, à Londres, à Novogorod. Seuls et célibataires, enfermés dans des quartiers fortifiés, ils couchent en armes sur leurs comptoirs, parmi leurs dogues énormes[1] ; presque toujours pillés hors des villes, dans les villes souvent massacrés.
Ce n’était pas chose facile de commercer alors. Le marchand qui avait navigué heureusement d’Alexandrie à Venise, sans mauvaise rencontre, n’avait encore rien fait. Il lui fallait, pour vendre à bon profit, s’enfoncer dans le Nord. Il fallait que la marchandise s’acheminât, par le Tyrol, par les rives agrestes du Danube, vers Augsbourg ou Vienne ; qu’elle descendît sans encombre entre les forêts sombres et les sombres châteaux du Rhin ; qu’elle parvînt à Cologne, la ville sainte. C’était là que le marchand rendait grâces à Dieu[2]. Là se rencontraient le Nord et le Midi ; les gens de la Hanse y traitaient avec les Vénitiens. — Ou bien encore, il appuyait à gauche. Il pénétrait en France, sur la foi du bon comte de Champagne. Il déballait aux vieilles foires de Troyes, à celles de Lagny, de Bar-sur-Aube, de Provins[3]. De là, en peu de journées, mais non sans risque, il pouvait atteindre Bruges, la grande station des Pays-Bas, la ville aux dix-sept nations[4].
Mais cette route de France ne fut plus tenable, lorsque Philippe-le-Bel, devenu, par sa femme, maître de la Champagne, porta ses ordonnances contre les Lombards, brouilla les monnaies, se mêla de régler