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L’ANGLETERRE. — PHILIPPE-DE-VALOIS

Elle donnait la matière ; d’autres l’employaient. La laine était d’un côté du détroit, l’ouvrier de l’autre. Le boucher anglais, le drapier flamand, étaient unis, au milieu des querelles des princes, par une alliance indissoluble. La France voulut la rompre, et il lui en coûta cent ans de guerre. Il s’agissait pour le roi de la succession de France, pour le peuple de la liberté du commerce, du libre marché des laines anglaises. Assemblées autour du sac de laine, les communes marchandaient moins les demandes du roi, elles lui votaient volontiers des armées.

Le mélange d’industrialisme et de chevalerie donne à toute cette histoire un aspect bizarre. Ce fier Édouard III qui sur la Table ronde a juré le héron de conquérir la France[1], cette chevalerie gravement folle qui, par suite d’un vœu, garde un œil couvert de drap rouge[2], ils ne sont pas tellement fous qu’ils servent à leurs frais. La simplicité des croisades n’est point de cet âge. Ces chevaliers au fond sont les agents mercenaires, les commis voyageurs des marchands de Londres et de Gand. Il faut qu’Édouard s’humanise, qu’il mette bas l’orgueil, qu’il tâche de plaire aux drapiers et aux tisserands, qu’il donne la main à son compère le brasseur Artevelde, qu’il harangue le populaire du haut du comptoir d’un boucher[3].

  1. App. 147.
  2. « Il y avoit dans la suite de l’évêque de Lincoln plusieurs bacheliers qui avoient chacun un œil couvert de drap vermeil, pourquoi il n’en put voir ; et disoit-on que ceux avoient voué entre dames de leur pays que jamais ne verroient que d’un œil jusqu’à ce qu’ils auroient fait aucunes prouesses au royaume de France. » (Froissart.)
  3. Idem.