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HISTOIRE DE FRANCE

geait les siens, les Français avisèrent, disent les Chroniques de Saint-Denis, qu’il était vendredi, et ensuite qu’il y avait un pas difficile entre les deux armées[1]. Selon Froissart : « Ils n’étoient pas d’accord, mais en disoit chacun son opinion, et disoient par estrif (dispute) que ce seroit grand’honte et grand défaut si le roi ne se combattoit, quand il savoit que ses ennemis étoient si près de lui, en son pays, rangés en pleins champs, et les avoit suivis en intention de combattre à eux. Les aucuns des autres disoient à l’encontre que ce seroit grand’folie s’il se combattoit, car il ne savoit que chacun pensoit, ni si point trahison y avoit : car si fortune lui étoit contraire, il mettoit son royaume en aventure de perdre, et si il déconfisoit ses ennemis, pour ce n’auroit-il mie le royaume d’Angleterre, ni les terres des seigneurs de l’Empire qui avec le roi anglois étoient alliés. Ainsi estrivant (dissertant) et débattant sur ces diverses opinions, le jour passa jusques à grand midi. Environ petite none, un lièvre s’en vint trépassant parmi les champs, et se bouta entre les Français, dont ceux qui le virent commencèrent à crier et à huier (appeler) et à faire grand haro : de quoi ceux qui étoient derrière cuidoient que ceux de devant se combatissent, et les plusieurs qui se tenoient en leurs batailles rangés fesoient autel (autant) : si mirent les plusieurs leurs bassinets en leurs têtes et prirent leurs glaives. Là il fut fait plusieurs nouveaux chevaliers ; et par spécial le comte de Hai-

  1. Chron. de Saint-Denis.