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HISTOIRE DE FRANCE

nel… Les gens du border vivaient noblement du bien du voisin. Quand le butin de la dernière expédition était mangé, la dame de la maison servait dans un plat, à son mari, une paire d’éperons, et il partait joyeux… C’étaient d’étranges guerres ; la difficulté pour les deux partis était de se trouver. Dans sa grande expédition d’Écosse, Édouard II avança plusieurs jours sous la pluie et parmi les broussailles, sans voir autre armée que de daims et de biches[1]. Il lui fallut promettre une grosse somme à qui lui dirait où était l’ennemi[2]. Les Écossais réunis, dispersés, avec la légèreté d’un esprit, entraient quand ils voulaient en Angleterre ; ils avaient peu de cavalerie, mais point de bagages ; chaque homme portait son petit sac de grain et une brique où le faire cuire.

Ils ne se contentaient pas de guerroyer en Angleterre. Ils allaient volontiers au loin. On sait l’histoire de ce Douglas qui, chargé par le roi mourant de porter son cœur à Jérusalem, s’en alla par l’Espagne, et dans la bataille lança ce cœur contre les Maures. Mais leur croisade naturelle était en France, c’est-à-dire où

  1. « Et crioit-on moult ce jour alarme, et disoit-on que les premiers se combattoient aux ennemis ; si que chacun cuidant que ce fut voir, se hâtoit quant qu’il pouvoit parmi marais, parmi pierres et cailloux, parmi vallées et montagnes, le heaume appareillé, l’écu au col, le glaive ou l’épée au poing, sans attendre père ni frère, ni compagnon. Et quand on avoit ainsi couru demie lieue ou plus, et on en venoit au lieu d’où ce hutin ou cri naissoit, on se trouvoit déçu ; car ce avoient été cerfs ou biches. » (Froissart.)
  2. « Et fit-on crier que qui se voudroit tant travailler qu’il pût rapporter certaines nouvelles au roi, là, où l’on pourroit trouver les Écossois, le premier qui celui rapporteroit il auroit cent livres de terre à héritage, et le feroit le roi chevalier. » (Froissart.) On trouve en effet dans Rymer : « Pro Thoma de Rokesby, qui regem duxerat ante visum inimicorum Scotorum. »