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HISTOIRE DE FRANCE

Si l’on en croyait l’invraisemblable récit de Froissart, le roi d’Angleterre serait parti pour secourir la Guyenne. Puis ramené par le vent contraire, il aurait prêté l’oreille aux conseils de Godefroi d’Harcourt, qui l’engageait à attaquer la Normandie sans défense[1].

Le conseil n’était que trop bon. Tout le pays était désarmé. C’était l’ouvrage des rois eux-mêmes, qui avaient défendu les guerres privées. La population était devenue toute pacifique, toute occupée de la culture ou des métiers. La paix avait porté ses fruits[2]. L’état florissant et prospère où les Anglais trouvèrent le pays, doit nous faire rabattre beaucoup de tout ce que les historiens ont dit contre l’administration royale au quatorzième siècle.

Le cœur saigne quand on voit dans Froissart cette sauvage apparition de la guerre dans une contrée paisible, déjà riche et industrielle, dont l’essor allait être arrêté pour plusieurs siècles. L’armée mercenaire d’Édouard, ces pillards Gallois, Irlandais, tombèrent au milieu d’une population sans défense ; ils trouvèrent les moutons dans les champs, les granges pleines, les villes ouvertes. Du pillage de Caen ils eurent de quoi charger plusieurs vaisseaux. Ils trouvèrent Saint-Lô et Louviers toutes pleines de draps[3].

Pour animer encore ses gens, Édouard découvrit à

  1. App. 168.
  2. « Le roi chevauchoit par le Cotentin. Si n’étoit pas de merveille si ceux du pays étoient effrayés et ébahis ; car avant ce ils n’avoient oncques vu hommes d’armes et ne savoient que c’étoit de guerre ni de bataille. Si fuyoient devant les Anglais d’aussi loin qu’ils en oyoient parler. » (Froissart.)
  3. App. 169.