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L’ANGLETERRE. — PHILIPPE-DE-VALOIS

« Or tôt, tuez toute cette ribaudaille, car ils nous empêchent la voie sans raison. » Mais pour passer sur le corps aux Génois, les gens d’armes rompaient leurs rangs. Les Anglais tiraient à coup sûr dans cette foule, sans craindre de perdre un seul coup. Les chevaux s’effarouchaient, s’emportaient. Le désordre augmentait à tout moment.

Le roi de Bohême, vieux et aveugle, se tenait pourtant à cheval parmi ses chevaliers. Quand ils lui dirent ce qui se passait, il jugea bien que la bataille était perdue. Ce brave prince, qui avait passé sa vie dans la domesticité de la maison de France, et qui avait du bien au royaume, donna l’exemple, comme vassal et comme chevalier. Il dit aux siens : « Je vous prie et requiers très spécialement que vous me meniez si avant que je puisse frapper un coup d’épée. » Ils lui obéirent, lièrent leurs chevaux au sien, et tous se lancèrent à l’aveugle dans la bataille. On les retrouva le lendemain gisant autour de leur maître, et liés encore.

Les grands seigneurs de France se montrèrent aussi noblement. Le comte d’Alençon, frère du roi, les comtes de Blois, d’Harcourt, d’Aumale, d’Auxerre, de Sancerre, de Saint-Pol, tous magnifiquement armés et blasonnés, au grand galop, traversèrent les lignes ennemies. Ils fendirent les rangs des archers, et poussèrent toujours, comme dédaignant ces piétons, jusqu’à la petite troupe des gens d’armes anglais. Là se tenait le fils d’Édouard, âgé de treize ans, que son père avait mis à la tête d’une division. La seconde division vint le soutenir, et le comte de Warwick, qui craignait pour le petit prince,