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HISTOIRE DE FRANCE

l’étranger. L’Angleterre fut comme rejointe au continent. Il n’y eut plus de détroit.

Revenons sur ces tristes événements. Cherchons-en le vrai sens. Nous y trouverons quelque consolation.

La bataille de Créci n’est pas seulement une bataille, la prise de Calais n’est pas une simple prise de ville ; ces deux événements contiennent une grande révolution sociale. La chevalerie toute entière du peuple le plus chevalier avait été exterminée par une petite bande de fantassins. Les victoires des Suisses sur la chevalerie autrichienne à Morgarten, à Laupen, présentaient un fait analogue ; mais elles n’eurent pas la même importance, le même retentissement dans la chrétienté. Une tactique nouvelle sortait d’un état nouveau de la société ; ce n’était pas une œuvre de génie ni de réflexion. Édouard III n’était ni un Gustave-Adolphe, ni un Frédéric. Il avait employé les fantassins, faute de cavaliers. Dans les premières expéditions, ses armées se composaient d’hommes d’armes, de nobles et de servants des nobles. Mais les nobles s’étaient lassés de ces longues campagnes. On ne pouvait tenir si longtemps sous le drapeau une armée féodale. Les Anglais, avec leur goût d’émigration, aiment pourtant le home. Il fallait que le baron revînt au bout de quelques mois au baronial hall, qu’il revît ses bois, ses chiens, qu’il chassât le renard[1]. Le soldat mercenaire, tant qu’il n’était pas riche, tant qu’il était sans bas ni chausses, comme ces Irlandais, ces Gallois

  1. App. 178.