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L’ANGLETERRE. — PHILIPPE-DE-VALOIS

dait pas le baron renversé qui lui offrait de le faire riche : il ne répondait que du couteau.

Malgré la romanesque bravoure de Jean de Bohême et de maint autre, les brillantes bannières furent tachées ce jour-là. D’avoir été traînées, non par le noble gantelet du seigneur, mais par les mains calleuses, c’était difficile à laver. La religion de la noblesse eut dès lors plus d’un incrédule. Le symbolisme armorial perdit tout son effet. On commença à douter que ces lions mordissent, que ces dragons de soie vomissent feu et flammes. La vache de Suisse et la vache de Galles semblèrent aussi de bonnes armoiries.

Pour que le peuple s’avisât de tout cela, il fallut bien du temps, bien des défaites. Créci ne suffit pas, pas même Poitiers. Cette réprobation des nobles qui s’éleva hardiment après la bataille d’Azincourt, elle est muette encore et respectueuse sous Philippe-de-Valois. Il n’y a ni plainte ni révolte ; mais souffrance, langueur, engourdissement sous les maux. Peu d’espoir sur terre, guère ailleurs. La foi est ébranlée ; la féodalité, cette autre foi, l’est davantage. Le moyen âge avait sa vie en deux idées, l’empereur et le pape. L’Empire est tombé aux mains d’un serviteur du roi de France ; le pape est dégradé, de Rome à Avignon, valet d’un roi ; ce roi vaincu, la noblesse humiliée.

Personne ne disait ces choses, ni même ne s’en rendait bien compte. La pensée humaine était moins révoltée que découragée, abattue et éteinte. On espérait la fin du monde ; quelques-uns la fixaient à l’an 1365. Que restait-il, en effet, sinon de mourir ?