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HISTOIRE DE FRANCE

Les époques d’abattement moral sont celles de grande mortalité. Cela doit être, et c’est la gloire de l’homme qu’il en soit ainsi. Il laisse la vie s’en aller, dès qu’elle cesse de lui paraître grande et divine… Vitamque perosi Projecere animas… La dépopulation fut rapide dans les dernières années de Philippe-de-Valois. La misère, les souffrances physiques ne suffiraient pas à l’expliquer ; elles n’étaient pas parvenues au point où elles arrivèrent plus tard. Cependant, pour ne citer qu’un exemple, dès l’an 1339, la population d’une seule ville, de Narbonne, avait diminué, en quatre ou cinq ans, de cinq cents familles[1].

Par-dessus cette dépopulation trop lente, vint l’extermination, la grande peste noire qui, d’un coup, entassa les morts par toute la chrétienté. Elle commença en Provence, à la Toussaint de l’an 1347. Elle y dura seize mois, et y emporta les deux tiers des habitants. Il en fut de même en Languedoc. À Montpellier, de douze consuls il en mourut dix. À Narbonne, il périt trente mille personnes. En plusieurs endroits, il ne resta qu’un dixième des habitants[2]. L’insouciant Froissart ne dit qu’un mot de cette épouvantable calamité, et encore par occasion. « … Car en ce temps par tout le monde généralement une maladie que l’on clame épidémie couroit, dont bien la tierce partie du monde mourut. »

Le mal ne commença dans le Nord qu’au mois d’août 1348, d’abord à Paris et à Saint-Denis. Il fut si terrible à Paris, qu’il y mourait huit cents personnes

  1. App. 180.
  2. D. Vaissette.