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L’ANGLETERRE. — PHILIPPE-DE-VALOIS

sans savoir où, comme poussées par le vent de la colère divine. Ils portaient des croix rouges ; demi-nus sur les places, ils se frappaient avec des fouets armés de pointes de fer, chantant des cantiques qu’on n’avait jamais entendus[1]. Ils ne restaient dans chaque ville qu’un jour et une nuit, et se flagellaient deux fois le jour ; cela fait pendant trente-trois jours et demi, ils se croyaient purs comme au jour de baptême[2].

Les flagellants allèrent d’abord d’Allemagne aux Pays-Bas. Puis cette fièvre gagna en France, par la Flandre, la Picardie. Elle ne passa pas Reims. Le pape les condamna ; le roi ordonna de leur courir sus. Ils n’en furent pas moins à Noël (1349) près de huit cent mille[3]. Et ce n’était plus seulement du peuple, mais des gentilshommes, des seigneurs. De nobles dames se mettaient à en faire autant[4].

Il n’y eut point de flagellants en Italie. Ce sombre enthousiasme de l’Allemagne et de la France du nord, cette guerre déclarée à la chair, contraste fort avec la peinture que Boccace nous a laissée des mœurs italiennes à la même époque.

Le prologue du Décaméron est le principal témoignage historique que nous ayons sur la grande peste de 1348. Boccace prétend qu’à Florence seulement il y eut cent mille morts. La contagion était effroyablement rapide. « J’ai vu, dit-il, de mes yeux, deux porcs qui, dans la rue, secouèrent du groin les haillons d’un

  1. App. 182.
  2. Ms. des Chroniques de Saint-Denis, cité par M. Mazure.
  3. Ibid.
  4. Contin. G. de Nangis.