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BATAILLE DE POITIERS

l’avait vue trente ans auparavant pour la première fois.

Le poète avait vu périr en quelques années toutes ses espérances, tous les rêves de sa vie[1]. Jeune, il avait espéré que la chrétienté se réconcilierait, et trouverait la paix intérieure dans une belle guerre contre les infidèles. Il avait écrit le célèbre canzone : « O aspettata in ciel beata e bella… » Mais quel pape prêchait la croisade ? Jean XXII, le fils d’un cordonnier de Cahors, avocat avant d’être pape, cahorsin et usurier lui-même, qui entassait les millions, et brûlait ceux qui parlaient d’amour pur et de pauvreté.

L’Italie, sur laquelle Pétrarque plaça ensuite son espoir, n’y répondit pas davantage. Les princes flattaient Pétrarque, se disaient ses amis, mais aucun ne l’écoutait. Quels amis pour le crédule poète que ces féroces et rusés Visconti de Milan !… Naples valait mieux, ce semble. Le savant roi Robert avait voulu donner lui-même à Pétrarque la couronne du Capitole. Mais lorsqu’il se rendit à Naples, Robert n’était plus. La reine Jeanne lui avait succédé[2]. Le poète, à peine arrivé, vit avec horreur les combats de gladiateurs renouvelés dans cette cour par une noblesse sanguinaire. Il prévit la catastrophe du jeune époux de Jeanne, étranglé peu après par les amants de sa femme… Il écrivit lui-même de Naples : Heu ! fuge crudeles terras, fuge littus avarum !

Cependant on parlait de la restauration de la liberté

  1. App. 186.
  2. App. 187.