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HISTOIRE DE FRANCE

face, y revient malgré elle après cet effort, et s’y engourdit. La défaite des armées féodales, la grande leçon de Créci, qui devrait lui faire comprendre qu’un autre monde a commencé, ne sert qu’à lui faire regretter la chevalerie. Les archers anglais ne l’instruisent pas. Elle n’entend point le génie moderne qui l’a foudroyée à Créci par l’artillerie d’Édouard.

Le fils de Philippe-de-Valois, le roi Jean, est le roi des gentilshommes. Plus chevalereux encore et plus malencontreux que son père, il prend pour modèle l’aveugle Jean de Bohême qui combattit lié à Créci. Non moins aveugle que son modèle, le roi Jean, à la bataille de Poitiers, mit pied à terre pour attendre des gens à cheval. Mais il n’eut pas le bonheur d’être tué, comme Jean de Bohême.

Dès son avènement, Jean, pour complaire aux nobles, ordonna de surseoir au payement des dettes[1]. Il créa pour eux un ordre nouveau, l’ordre de l’Étoile, qui assurait une retraite à ses membres. C’était comme les Invalides de la chevalerie. Déjà une somptueuse maison commençait à s’élever pour cette destination dans la plaine de Saint-Denis. Elle ne s’acheva pas[2]. Les membres de cet ordre faisaient vœu de ne pas reculer de quatre arpents, s’ils n’étaient tués ou pris. Ils furent pris en effet.

Ce prince, si chevaleresque, commence brutalement par tuer, sur un soupçon, le connétable d’Eu, principal conseiller de son père. Il jette tout à un favori,

  1. Ord., 30 mars 1351, et septembre.
  2. App. 189.