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ÉTATS GÉNÉRAUX

versité avait sa juridiction pour les écoliers, le Temple la sienne pour les artisans[1].

Lorsque Guillaume de Champeaux, battu par Abailard aux écoles de Notre-Dame, alla se réfugier à l’abbaye de Saint-Victor, l’invincible argumentateur l’y poursuivit et campa à Sainte-Geneviève. Cette guerre, cette secessio sur un autre Aventin, fut la fondation des écoles de la Montagne. Abailard, dont la parole suffisait pour créer une ville au désert, fut ainsi l’un des fondateurs de notre Paris méridional. La ville éristique naquit de la dispute.

Au couchant, elle ne pouvait s’étendre. Elle heurtait l’immuable muraille de Saint-Germain-des-Prés. La vieille abbaye, qui avait vu la ville toute petite, qui l’avait d’abord aidée à grandir, en était entourée, assiégée. Mais elle résistait. Cette ville, née de la Seine, s’étendait du moins sur l’autre rive. Elle y mit ses halles, ses boucheries, son cimetière des Innocents. Mais une fois bornée de ce côté entre le Louvre[2] et le Temple, elle enfla, ne pouvant allonger, et prit ce ventre qui va du Châtelet à la porte Saint-Denis[3].

Les juridictions ecclésiastiques, Notre-Dame, Saint-Germain, trouvèrent de rudes adversaires dans nos rois. On sait que la reine Blanche força elle-même les prisons des chanoines pour en tirer leurs débiteurs. Le premier prévôt royal (1032), un Étienne, avait aussi

  1. Cinq siècles après la chute des Templiers, l’enclos du Temple, bien réduit, il est vrai, protégeait encore les petits commerçants contre les règlements des corporations.
  2. « Luparam prope Parisios ». Philippe-Auguste en acheva la construction vers 1204.
  3. App. 196.