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ÉTATS GÉNÉRAUX

au milieu d’une telle guerre, c’était une opération singulièrement périlleuse, comme celle d’une armée qui renverserait son ordre de bataille en présence de l’ennemi. Il y avait à craindre que la France ne pérît dans ce revirement.

L’ordonnance détruisait les abus. Mais la royauté ne vivait guère que d’abus[1].

Dans la réalité, la France existait-elle comme personne politique ? pouvait-on lui supposer une volonté commune ? Ce qu’on peut affirmer, c’est que l’autorité lui apparaissait encore tout entière dans la royauté.

Elle ne souhaitait que des réformes partielles. L’ordonnance approuvée des États n’était, selon toute vraisemblance, que l’œuvre d’une commune, d’une grande et intelligente commune, qui parlait au nom du royaume, mais que le royaume devait abandonner dans l’action.

Les nobles conseillers du dauphin, dans leur haine de nobles contre les bourgeois, dans leurs jalousies provinciales contre Paris, poussaient leur maître à la résistance. Au mois de mars, il avait signé l’ordonnance présentée aux États ; le 6 avril, il défendit de payer l’aide que les États avaient votée. Le 8, sur les représentations du prévôt des marchands, il révoqua la défense. Le jeune prince flottait ainsi entre deux impulsions, suivant l’une aujourd’hui, demain l’autre, et peut-être de bonne foi. Il y avait grandement à douter dans cette crise obscure. Tout le monde doutait,

  1. Ceci n’excuse point la royauté, mais l’incrimine au contraire de n’avoir voulu que les perpétuer (1860). App. 200.