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HISTOIRE DE FRANCE

Marcel n’avait pas les ressources de la Terreur ; il ne pouvait assiéger Lyon, ni guillotiner la Gironde. La nécessité des approvisionnements le mettait dans la dépendance de la campagne. Il s’allia aux Jacques, et les Jacques échouant, au roi de Navarre. Celui à qui il s’était donné, il essaya de lui donner le royaume ; il y périt.

La doctrine classique du Salus populi, du droit de tuer les tyrans, avait été attestée au commencement du siècle par le roi contre le pape. Un demi-siècle est à peine écoulé ; Marcel la tourne contre la royauté elle-même, contre les serviteurs de la royauté.

Cette tache sanglante dont la mémoire d’Étienne Marcel est restée souillée ne peut nous faire oublier que notre vieille charte est en partie son ouvrage. Il dut périr, comme ami du Navarrais, dont le succès eût démembré la France ; mais dans l’ordonnance de 1357 il vit et vivra.

Cette ordonnance est le premier acte politique de la France, comme la Jacquerie est le premier élan du peuple des campagnes. Les réformes indiquées dans l’ordonnance furent presque toutes accomplies par nos rois. La Jacquerie, commencée contre les nobles, continua contre l’Anglais. La nationalité, l’esprit militaire naquirent peu à peu. Le premier signe peut-être de ce nouvel esprit se trouve, dès l’an 1359, dans un récit du Continuateur de Nangis. Ce grave témoin, qui note jour par jour tout ce qu’il voit et entend, sort de sa sécheresse ordinaire pour conter tout au long une de