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ÉTATS GÉNÉRAUX

ces rencontres où le peuple des campagnes, laissé à lui-même, commença à s’enhardir contre l’Anglais. Il s’y arrête avec complaisance : « C’est, dit-il naïvement, que la chose s’est passée près de mon pays, et qu’elle a été menée bravement par les paysans, par Jacques Bonhomme[1]. »

Il y a un lieu assez fort au petit village près Compiègne, lequel dépend du monastère de Saint-Corneille. Les habitants, voyant qu’il y avait péril pour eux, si les Anglais s’en emparaient, l’occupèrent, avec la permission du régent et de l’abbé, et s’y établirent avec des armes et des vivres. D’autres y vinrent des villages voisins, pour être plus en sûreté. Ils jurèrent à leur capitaine de défendre ce poste jusqu’à la mort. Ce capitaine, qu’ils s’étaient donné du consentement du régent, était un des leurs, un grand et bel homme, qu’on appelait Guillaume aux Allouettes. Il avait avec lui, pour le servir, un autre paysan d’une force de membres incroyable, d’une corpulence et d’une taille énormes, plein de vigueur et d’audace, mais avec cette grandeur de corps, ayant une humble et petite opinion de lui-même. On l’appelait Le Grand-Ferré[2]. Le capitaine le tenait près de lui, comme sous le frein, pour le lâcher à propos. Ils s’étaient donc mis là deux cents, tous laboureurs ou autres gens qui gagnaient humblement leur vie par le travail de leurs mains. Les

  1. « Per rusticos, seu Jacques Bonhomme, strenue expeditum. » (Contin. G. de Nangis.)
  2. « Et juxta ejus corporis magnitudinem, habebat in se humilitatem et reputationis intrinsecæ parvitatem, nomine Magnus Ferratus. » (Idem.)