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ÉTATS GÉNÉRAUX

blement, ils traînaient six mille chariots, des fours, des moulins, des forges, toute sorte d’ateliers ambulants. Ils avaient poussé la précaution jusqu’à se munir de meutes pour chasser, et de nacelles de cuir pour pêcher en carême[1]. Il n’y avait rien, en effet, à attendre du pays, c’était un désert ; depuis trois ans, on ne semait plus[2]. Les villes, bien fermées, se gardaient elles-mêmes ; elles savaient qu’il n’y avait pas de merci à attendre des Anglais.

Du 28 octobre au 30 novembre, ils cheminèrent à travers la pluie et la boue, de Calais à Reims. Ils avaient compté sur les vins. Mais il pleuvait trop ; la vendange ne valut rien. Ils restèrent sept semaines à se morfondre devant Reims, gâtèrent le pays tout autour ; mais Reims ne bougea pas. De là ils passèrent devant Châlons, Bar-le-Duc, Troyes ; puis ils entrèrent dans le duché de Bourgogne. Le duc composa avec eux pour deux cent mille écus d’or. Ce fut une bonne affaire pour l’Anglais, qui autrement n’eût rien tiré de toute cette grande expédition.

Il vint camper tout près de Paris, fit ses pâques à Chanteloup, et approcha jusqu’au Bourg-la-Reine. « De la Seine jusqu’à Étampes, dit le témoin oculaire, il n’y a plus un seul homme. Tout s’est réfugié aux trois faubourgs de Saint-Germain, Saint-Marcel et Notre-Dame-des-Champs… Montlhéry et Longjumeau sont en feu… On distingue dans tous les alentours la fumée des villages, qui monte jusqu’au ciel… Le saint jour de

  1. Froissart.
  2. Idem.