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ÉTATS GÉNÉRAUX

Pour consoler Jean, le pape l’encouragea dans un projet qui semblait insensé au premier coup d’œil, mais qui eût effectivement relevé sa fortune. Le roi de Chypre était venu à Avignon demander des secours, proposer une croisade. Jean prit la croix, et une foule de grands seigneurs avec lui[1]. Le roi de Chypre alla proposer la croisade en Allemagne ; Jean en Angleterre. Un de ses fils, donné en otage, venait de rentrer en France, au mépris des traités. Le retour de Jean à Londres avait l’apparence la plus honorable. Il semblait réparer la faute de son fils. Quelques-uns prétendaient qu’il n’y allait que par ennui des misères de la France, ou pour revoir quelque belle maîtresse[2]. Cependant les rois d’Écosse et de Danemark devaient venir l’y trouver. Comme roi de France, il présidait naturellement toute assemblée de rois. Humilié par le nouveau système de guerre que les Anglais avaient mis en pratique, le roi de France eût repris, par la croisade, sous le vieux drapeau du moyen âge, le premier rang dans la chrétienté. Il aurait entraîné les compagnies, il en aurait délivré la France[3]. Les Anglais mêmes et les Gascons, malgré la mauvaise volonté du roi d’Angleterre qui alléguait son âge pour ne pas prendre la croix[4], disaient hautement au roi de

  1. « Après la prédication faite, qui fut moult humble et moult douce et dévote, le roi de France par grand’dévotion emprit la croix, … et pria doucement le pape qu’il lui voulzist accorder. » (Froissart.)
  2. « Causa joci », dit le sévère historien du temps. (Contin. G. de Nangis.)
  3. « Pour traire hors du royaume toutes manières de gens d’armes appelées compagnies… et pour sauver leurs âmes. » (Froissart.)
  4. App. 235.