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HISTOIRE DE FRANCE

Chypre « que c’étoit vraiment un voyage où tous gens de bien et d’honneur devoient entendre, et que s’il plaisoit à Dieu que le passage fût ouvert, il ne le feroit pas seul ». La mort de Jean détruisit ces espérances. Après un hiver passé à Londres en fêtes et en grands repas, il tomba malade, et mourut regretté, dit-on, des Anglais, qu’il aimait lui-même, et auxquels il s’était attaché, simple qu’il était et sans fiel, pendant sa longue captivité. Édouard lui fit faire de somptueuses funérailles à Saint-Paul de Londres. On y brûla, selon des témoins oculaires, quatre mille torches de douze pieds de haut, et quatre mille cierges de dix livres pesant.

La France, toute mutilée et ruinée qu’elle était, se retrouvait encore, de l’aveu de ses ennemis, la tête de la chrétienté. C’est son sort, à cette pauvre France, de voir de temps à autre l’Europe envieuse s’ameuter contre elle, et conjurer sa ruine. Chaque fois, ils croient l’avoir tuée ; ils s’imaginent qu’il n’y aura plus de France ; ils tirent ses dépouilles au sort, ils arracheraient volontiers ses membres sanglants. Elle s’obstine à vivre ; elle refleurit. Elle survécut en 1361, mal défendue, trahie par sa noblesse ; en 1709, vieillie de la vieillesse de son roi ; en 1815 encore, quand le monde entier l’attaquait… Cet accord obstiné du monde contre la France prouve sa supériorité mieux que des victoires. Celui contre lequel tous sont facilement d’accord, c’est qu’apparemment il est le premier.