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EXPULSION DES ANGLAIS

ranimer l’esprit militaire de la noblesse. Nos histoires de Duguesclin ne sont guère que des traductions en prose de cette épopée. Il n’est pas facile de dégager de cette poésie ce qu’elle présente de sérieux, de vraiment historique. Nous en croirons volontiers le poème et les romans en tout ce qui se rapproche du caractère bien connu des Bretons. Nous pourrons les croire encore dans les aveux qu’ils font contre leur héros. Ils avouent d’abord qu’il était laid : « De moyenne stature, le visage brun, le nez camus, les yeux verts, large d’épaules, longs bras et petites mains. » Ils disent qu’il était dès son enfance mauvais garçon, « rude, malicieux et divers en couraige », qu’il assemblait les enfants, les partageait en troupes, qu’il battait et blessait les autres. Il fut quelque temps enfermé par son père. Cependant une religieuse avait prédit de bonne heure que cet enfant serait un fameux chevalier. Il fut encore encouragé par les prédictions d’une certaine demoiselle Tiphaine que les Bretons croyaient sorcière, et que plus tard il épousa. Cet intraitable batailleur était pourtant, comme sont volontiers les Bretons, bon enfant et prodigue, souvent riche, souvent ruiné, donnant parfois tout ce qu’il avait pour racheter ses hommes ; mais en revanche avide et pillard, rude en guerre et sans quartier. Comme les autres capitaines de ce temps, il préférait la ruse à tout autre moyen de vaincre, et restait toujours libre de sa parole et de sa foi. Avant la bataille, il était homme de tactique, de ressource et d’engin subtil. Il savait prévoir et pourvoir. Mais une fois qu’il y était, la tête bretonne repa-