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HISTOIRE DE FRANCE

avait rangé cette armée dans un ordre admirable. Chaque homme d’armes, dit Froissart, portait sa lance droit devant lui, taillée à la mesure de cinq pieds, et une hache forte, dure, et bien acérée, à petit manche… « Et s’en venoient ainsi tout bellement le pas. Ils chevauchoient si serrés, qu’on n’eût pu jeter une balle de paume qu’elle ne tombât sur les pointes des lances. Jean Chandos regarda longtemps l’ordonnance des Français, « laquelle en soi-même il prisoit durement ». Il ne s’en put taire, et dit : « Que Dieu m’aide, comme il est vrai qu’il y a ici fleur de chevalerie, grand sens et bonne ordonnance[1]. »

Chandos s’était ménagé une réserve, pour soutenir chaque corps qui faiblissait. Ce ne fut pas sans peine qu’il obtint d’un de ses chevaliers qu’il voulût bien rester sur les derrières pour commander cette réserve. Il y fallut des prières, et presque des larmes[2]. Le préjugé féodal faisait considérer le premier rang comme la seule place honorable. Duguesclin n’aurait pu obtenir pareille chose dans l’autre armée.

Les deux prétendants combattaient en tête. C’était un duel sans quartier. Les Bretons étaient las de cette guerre, et voulaient en finir par la mort de l’un ou de l’autre[3]. La réserve de Chandos lui donna l’avantage sur Duguesclin, qui fut porté par terre et pris. Tout retomba sur Charles de Blois : sa bannière fut arra-

  1. Froissart.
  2. « Étoit messire Jean Chandos auques (presque) sur le point de larmoyer. Si dit encore moult doucement : « Messire Hue, ou il faut que vous le fassiez ou que je le fasse. » (Idem.)
  3. App. 241.