Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 3.djvu/367

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
357
EXPULSION DES ANGLAIS

chée, renversée, lui-même tué. Les plus grands seigneurs de la Bretagne s’obstinèrent, et se firent tuer aussi.

Lorsque les Anglais vinrent à grande joie montrer à Montfort son ennemi qu’ils lui avaient tué, le sang français se réveilla en lui, ou peut-être la parenté ; les larmes lui vinrent aux yeux. On trouva un cilice sous la cuirasse du mort. Sa piété, ses belles qualités revinrent en mémoire. Il n’avait recommencé la guerre que par déférence pour sa femme, dont la Bretagne était l’héritage. Ce saint[1] était aussi un homme. Il faisait des vers, composait des lais dans l’intervalle des batailles. Il avait été amoureux ; un sien bâtard fut tué à côté de lui, en voulant venger sa mort.

Montfort reçut en peu de jours les plus fortes places du pays. Les enfants de Charles de Blois étaient prisonniers en Angleterre. Le roi de France, qui ne portait nulle passion dans la guerre, s’arrangea avec le vainqueur, et décida la veuve de Charles de Blois à se contenter du comté de Penthièvre, de la vicomté de Limoges, et d’une rente de dix mille livres. Le roi fit sagement. L’essentiel était d’empêcher que la Bretagne ne fît hommage à l’Anglais. Il y avait à parier qu’elle se lasserait tôt ou tard du protégé de l’Angleterre.

C’était quelque chose d’avoir fini la guerre de Bretagne et celle du roi de Navarre. Mais il fallait du temps

  1. « Et l’appelle-t-on saint Charles. » (Froissart). App. 242.