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HISTOIRE DE FRANCE

pour que la France se remît. La simple énumération des ordonnances de Charles V suffit à découvrir quelles plaies effroyables la guerre avait faites. La plupart sont destinées à constater les diminutions de feux, à reconnaître que les communes dépeuplées ne peuvent plus payer les impôts. D’autres sont les sauvegardes que les villes, les abbayes, les hôpitaux, les chapitres obtiennent du roi. La protection publique était si faible, qu’on en réclamait une toute spéciale. Les villes, les corporations, les universités, demandent que l’on consacre leurs privilèges. Plusieurs villes sont déclarées inséparables de la couronne. Les marchands italiens à Nîmes, les Castillans et Portugais à Harfleur et à Caen, obtiennent des privilèges. Au total, peu ou point de mesure générale ; tout est spécial, individuel : on sent combien le royaume est loin de l’unité, combien il est faible et malade encore.

La plus grande misère de la France, c’était le brigandage des compagnies. Licenciées par l’Anglais, repoussées de l’Ile-de-France, de la Normandie, de la Bretagne, de l’Aquitaine, ces bandes refluaient sur le centre ; elles se promenaient par le Berri, le Limousin, etc. Les brigands étaient là comme chez eux. C’était leur chambre, disaient-ils insolemment[1]. Ils étaient de toute nation, mais la plupart Anglais et Gascons, Bretons encore ; mais ceux-ci étaient en petit nombre. Le peuple les regardait tous comme Anglais ; rien n’a plus contribué à exaspérer la France contre

  1. Froissart.