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EXPULSION DES ANGLAIS

pas de dire partout que c’était le prince de Galles, leur débiteur, qui les autorisait à se payer ainsi[1].

Le prince fit encore, par orgueil, la faute de délivrer Duguesclin ; ce qui était donner un chef aux compagnies. Le prudent Chandos, « qui était son maître », avait dit qu’il ne le laisserait jamais se racheter. Un jour cependant que le prince était en gaieté, il aperçut le prisonnier, et lui dit : « Comment vous trouvez-vous, Bertrand ? — À merveille, Dieu merci, répliqua-t-il. Comment ne serais-je pas bien ? Depuis que je suis ici, je me trouve le premier chevalier du monde. On dit partout que vous me craignez, que vous n’osez me mettre à rançon. » L’Anglais fut piqué : « Messire Bertrand, dit-il, vous croyez donc que c’est pour votre bravoure que nous vous gardons ? Par saint Georges, payez cent mille francs, et vous êtes libre. » Duguesclin le prit au mot[2].

Ayala dit que le prince, pour montrer qu’il se souciait peu de Duguesclin, lui dit de fixer lui-même combien il voulait payer. Duguesclin dit fièrement « Pas moins de cent mille francs. » Ce serait plus d’un million aujourd’hui. Le prince fut étonné « Et où les prendrez-vous, Bertrand ? » — Le Breton, selon la chronique, aurait dit ces belles paroles, qui n’ont rien d’invraisemblable : « Monseigneur, le roi de Castille en payera moitié, et le roi de France le

  1. « Que le prince de Galles les envoyoit là. » (Froissart.)
  2. « Et tantôt que le prince l’ouit ainsi parler, il s’en repentit. » (Idem.)