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HISTOIRE DE FRANCE

reste ; et si ce n’était assez, il n’y a femme en France sachant filer qui ne filât pour ma rançon[1]. »

Il ne présumait pas trop. La guerre était imminente. Pendant que Charles V recevait honorablement à Paris un fils du roi d’Angleterre, qui allait se marier à Milan, les compagnies licenciées par les Anglais désolaient la Champagne, et jusqu’aux environs de Paris. C’était trop de payer et d’être pillé.

Le prince de Galles était revenu d’Espagne hydropique, et son armée ne valait guère mieux. Les Gascons qui s’étaient engagés dans cette affaire anglaise sur la foi des trésors cachés de Don Pèdre, revenaient pauvres, en piteux équipage et de mauvaise humeur. Ils gardaient d’ailleurs au prince plus d’une vieille rancune. Il avait forcé le comte de Foix à donner passage aux compagnies, il avait demandé mille lances au sire d’Albret, et lui en avait laissé huit cents à sa charge[2]. Les Méridionaux en voulaient aux Anglais, non pas seulement de leurs vexations, mais de ce qu’ils étaient Anglais, c’est-à-dire ennuyeux, incommodes à vivre. Ces vives, spirituelles et parleuses populations souffraient à les voir orgueilleusement taciturnes, et ruminant toujours en eux-mêmes leur bataille de Poitiers[3].

Le prince de Galles méprisait les Gascons. Il choisit,

  1. App. 249.
  2. App. 250.
  3. « Et sont ceux de Poitou, de Saintonge, de Quercy, de Limousin, de Rouergue, de telle nature qu’ils ne peuvent aimer les Anglois…, et les Anglois aussi, qui sont orgueilleux et présomptueux, ne les peuvent aussi aimer, ni ne firent-ils oncques, et encore maintenant moins que oncques, mais les tiennent en grand dépit et vileté. » (Froissart.)