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EXPULSION DES ANGLAIS

dû à tout prix s’assurer le roi de Navarre et s’en servir contre la France. Le marché tint, selon toute apparence, à la vicomté de Limoges que le Navarrais demandait. Le prince de Galles ne voulut pas ébrécher son royaume d’Aquitaine : il lui importait de garder cette porte de la France. Il refusa et perdit tout. Le roi de France regagna le roi de Navarre en lui donnant Montpellier, qu’il lui promettait depuis si longtemps. Peu après il eut encore l’adresse de se concilier le nouveau roi d’Écosse, premier de la maison de Stuart. Castille, Navarre, Flandre, Écosse, il détachait tout de l’Angleterre ; il isolait son ennemie.

L’orgueil anglais était si engagé dans cette guerre, qu’Édouard trouva encore moyen, après tant de sacrifices, de faire contre la France deux expéditions à la fois. Pendant qu’un de ses fils, le duc de Lancastre, allait secourir le prince de Galles resserré dans Bordeaux (fin juillet 1370), une autre armée sous un vieux capitaine, Robert Knolles, entrait en Picardie (même mois). Des deux côtés, nulle résistance ; Duguesclin, Clisson, conseillaient d’éviter tout combat, d’escarmoucher seulement et de garder les places ; la campagne devenait ce qu’elle pouvait. Ces chefs de compagnie ne connaissaient que le succès ; les plus braves aimaient mieux employer la ruse. Quant à l’honneur du royaume, ils ne savaient ce que c’était. Il fallut que le duc de Bourbon vît sans bouger passer devant le front de son armée sa mère, mère de la reine de France, que les Anglais avaient prise, et qu’ils firent chevaucher sous ses yeux dans l’espoir