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HISTOIRE DE FRANCE

mourant un trésor de vingt-cinq millions de ducats. Les hommes du temps crurent qu’il avait trouvé la pierre philosophale.

Benoît XII était si effrayé de l’état où il voyait l’Église, des intrigues et de la corruption dont il était assiégé, qu’il aimait mieux laisser les bénéfices vacants ; il se réservait les nominations et ne nommait personne. Lui mort, le torrent reprit son cours. À l’élection du prodigue et mondain Clément VI, on assure que plus de cent mille clercs vinrent à Avignon acheter des bénéfices[1].

Il faut lire les douloureuses lamentations de Pétrarque sur l’état de l’Église, ses invectives contre la Babylone d’Occident. C’est tout à la fois Juvénal et Jérémie. Avignon est pour lui un autre labyrinthe, mais sans Ariane, sans fil libérateur ; il y trouve la cruauté de Minos et l’infamie du Minotaure[2]. Il peint avec dégoût les vieilles amours des princes de l’Église, ces mignons à tête blanche… Mille histoires scandaleuses couraient. Le conte absurde de la papesse Jeanne devint vraisemblable[3].

L’érudite indignation de Pétrarque pouvait inspirer quelque défiance. Un jugement plus imposant pour le peuple était celui de sainte Brigitte et des deux saintes Catherine. La première fait dire par Jésus même ces

  1. In Clemente clementia… (Tertia Vita Clem. VI.)
  2. Petrarch., Ép. x.
  3. L’antipape Nicolas V avait eu pour femme Jeanne de Corbière, avec laquelle il avait divorcé pour se faire mineur. Lorsqu’il fut pape, Jeanne prétendit que le divorce était nul. On en fit mille contes à la cour d’Avignon ; de là la fable de la papesse Jeanne. App. 268.