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EXPULSION DES ANGLAIS

dont on avait oublié le vrai caractère et même les formes[1]. Cette fausse chevalerie prit pour son héros un personnage fort peu chevaleresque, le fameux chef des compagnies qui en avait délivré la France, l’habile Duguesclin. L’épopée que l’on fit de ses faits et gestes[2] indique assez que personne n’avait compris le vrai génie du connétable de Charles V.

Ce qu’on imita le mieux de la chevalerie, ce fut la richesse des armes et des armoiries, le luxe des tournois. Charles V avait laissé un peuple ruiné. On demanda à cette misère plus que la richesse n’eût jamais pu payer. Une fois dans l’impossible, que coûte-t-il de demander ?

Même situation dans toute l’Europe. Même vertige. Le hasard veut que la plupart des royaumes soient livrés à des mineurs. La royauté, cette divinité récente, elle bégaye, ou radote. Le siècle de Charles-le-Sage, le premier siècle de la politique, n’est pas arrivé aux trois quarts, qu’il délire et devient fou. Une génération d’insensés occupe tous les trônes. Au glorieux Édouard III succède l’étourdi Richard II, au prudent empereur Charles IV l’ivrogne Wenceslas, au sage Charles V Charles VI, un fou furieux. Urbain VI,

  1. Au point que, sous Charles VI, lorsqu’on arma solennellement chevaliers les deux fils du duc d’Anjou, tous les assistants demandaient ce que signifiaient ces rites.
  2. Ce poème offre le mélange bizarre de deux esprits très opposés. Duguesclin y est peint comme un chevalier du treizième siècle ; mais il est malveillant pour les prêtres, comme on l’était au quatorzième. Il ne veut rien prendre du peuple ; il ne rançonne que le pape et les gens d’Église. On croirait lire la Henriade. App. 276.