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HISTOIRE DE FRANCE

frère Henry fut mandé par Robert, qui, après beaucoup de caresses, débuta par luy faire derechef une fausse confidence, et luy dit que ses amis luy avoient envoyé de France un volt ou voust, que la Reine avoit fait contre luy. Frère Henry lui demanda « que est ce que voust ? C’est une image de cire, répondit Robert, que l’en fait pour baptiser, pour grever ceux que l’on welt grever. L’en ne les appelle pas en ces pays voulz, répliqua le moine, l’en les appelle manies. » Robert ne soutint pas longtemps cette imposture : il avoua à frère Henry que ce qu’il venoit de luy dire de la Reine n’estoit pas vray, mais qu’il avoit un secret important à luy communiquer ; qu’il ne le lui diroit qu’après qu’il auroit juré qu’il le prenoit sous le sceau de la confession. Le moine jura, « la main mise au piz ». Alors Robert ouvrit un petit écrin et en tira « une image de cire enveloppée en un quevre-chief crespé, laquelle image estoit à la semblance d’une figure d’un jueune homme, et estoit bien de la longueur d’un pied et demi, ce li semble, et si le vit bien clerement par le quevre-chief qui estoit moult deliez, et avoit entour le chief semblance de cheveux aussi comme un jeune homme qui porte chief. » Le moine voulut y toucher. « N’y touchiez, frère Henry, luy dit Robert, il est tout fait, icestuy est tout baptisiez, l’en le m’a envoyé de France tout fait et tout baptisié ; il n’y faut riens à cestuy, et est fait contre Jehan de France et en son nom, et pour le grever : Ce vous dis-je bien en confession, mais je en vouldroye avoir un autre que je vouldroye que il fut baptisié. Et pour qui est-ce ? dit frère Henry. C’est contre une dyablesse.

Robert, c’est contre la Royne. Non pas Royne, c’est une dyablesse ; ja tant comme elle vive, elle ne fera bien ne ne fera que moy grever, ne ja que elle vive je n’auray ma paix, mais se elle estoit morte et son fils mort, je auroie ma paix tantos au Roy, quar de luy ferois-je tout ce qu’il me plairoit, je ne m’en doubte mie, si vous prie que vous me le baptisiez, quar il est tout fait, il n’y faut que le baptesme, je ay tout prest les parrains et les maraines et quant que il y a mestier, fors de baptisement… il n’y fault à faire fors aussi comme à un enfant baptiser, et dire les noms qui y appartiennent. » Le moine refusa son ministère pour de pareilles opérations, remontra « que c’étoit mal fait d’y avoir créance, que cela ne convenoit point à si hault homme comme il estoit. Vous le voulez faire sur le Roy et sur la Royne qui sont les personnes du monde qui plus vous peuvent ramener à honneur. » Monsieur Robert répondit : « Je ameroie mieux estrangler le dyable que le dyable m’estranglat. » (Ibid., p. 627.)