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HISTOIRE DE FRANCE

n’en sont pas moins la première apparition du peuple.

Pierre Flotte ouvrit les États (10 avril 1302) d’une manière habile et hardie. Il attaqua les premières paroles de la bulle Ausculta, fili : « Dieu nous a constitué au-dessus des rois et des royaumes… » Puis il demanda si les Français pouvaient, sans lâcheté, se soumettre à ce que leur royaume, toujours libre et indépendant, fût ainsi placé dans le vasselage du pape. C’était confondre adroitement la dépendance morale et religieuse avec la dépendance politique, toucher la fibre féodale, réveiller le mépris de l’homme d’armes contre le prêtre. Le bouillant comte d’Artois, qui déjà avait arraché au légat et déchiré la bulle Ausculta, prit la parole et dit que, s’il convenait au roi d’endurer ou de dissimuler les entreprises du pape, les seigneurs ne les souffriraient pas. Cette flatterie brutale, sous forme de liberté et de hardiesse, fut applaudie des nobles. En même temps, on leur fit signer et sceller une lettre en langue vulgaire, non au pape, mais aux cardinaux. La lettre était probablement tout écrite d’avance par les soins du chancelier, car elle est datée du 10 avril, du jour même où les États furent assemblés. Dans cette longue épître, les seigneurs, après avoir souhaité aux cardinaux « continuel accroissement de charité, d’amour et de toutes bonnes aventures à leur désir », déclarent que, quant aux dommages que « celuy qui en présent est ou siège du gouvernement de l’Église », dit être faits par le roi, ils ne veulent, « ne eux, ne les universités, ne li peuple du royaume, avoir ne correction ne amende, par autre fors que par ledit nostre