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PHILIPPE-LE-BEL. — BONIFACE VIII

Sire le Roi ». Ils accusent « cil qui à présent siet ou siège du gouvernement de l’Église » de tirer beaucoup d’argent de la conférence et collation des archevêques, évêques et autres bénéficiers, « si que li mêmes peuples, qui leur est soubgez, soient grevez et rançonnez. Ne li prélas ne poent donner leurs bénéfices aux nobles clercs et autres bien nez et bien lettrez de leurs diocèses, de qui antecessours les églises sont fondées ». Les seigneurs signèrent certainement de grand cœur ce dernier mot où l’habile rédacteur insinuait que les bénéfices, fondés pour la plupart par leurs ancêtres, devaient être donnés à leurs cadets ou à leurs créatures, ainsi que cela se fait en Angleterre, surtout depuis la Réforme. C’était attacher à la défaite du pape le retour des biens immenses dont les seigneurs s’étaient dépouillés pour l’Église dans les âges de ferveur religieuse[1].

La lettre des bourgeois fut calquée sur celle des nobles, si nous en jugeons par la réponse des cardinaux. Mais elle n’a pas été conservée, soit qu’on n’ait daigné en tenir compte, soit qu’on ait craint que le dernier des trois ordres ne tirât plus tard avantage du langage hardi qu’on lui avait permis de prendre dans cette occasion.

La lettre des membres du clergé est tout autrement modérée et douce. D’abord elle est adressée au pape : « Sanctissimo patri ac domino suo carissimo… » Ils exposent les griefs du roi et réclament son indépen-

  1. App. 18.