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PHILIPPE-LE-BEL. — BONIFACE VIII

sur les Flamands, qui eût été une victoire sur le pape. Pierre Flotte, si engagé dans cette cause, ne pouvait perdre le roi de vue. Tout chancelier qu’il était et homme de robe longue, il monta à cheval avec les hommes d’armes.

Les Flamands, qui avaient appelé les Français, en étaient cruellement punis. La malveillance mutuelle avait éclaté dès le premier jour. Édouard ayant laissé le comte à ses propres forces pour faire tête à Wallace, les Français le poussèrent de place en place et lui persuadèrent de se livrer à Philippe, qui le traiterait bien. Le bon traitement fut de rentrer dans la prison du Louvre, où déjà sa fille était morte.

Le roi des Français n’avait eu qu’à prendre paisiblement possession des Flandres. Il ne soupçonnait pas lui-même l’importance de sa conquête. Quand il mena la reine avec lui voir ces riches et fameuses villes de Gand et de Bruges, ils en furent éblouis, effrayés. Les Flamands allèrent au-devant en nombre innombrable, curieux de voir un roi. Ils vinrent bien vêtus[1], gros et gras, chargés de lourdes chaînes d’or. Ils croyaient faire honneur et plaisir à leur nouveau seigneur. Ce fut tout le contraire. La reine ne leur pardonna pas d’être si braves, aux femmes encore moins : « Ici, dit-elle avec dépit, je n’aperçois que des reines. »

Le gouverneur royal Châtillon s’attacha à les guérir de cet orgueil, de cette richesse insolente. Il leur ôta

  1. « Tricolori vestitu… Primates inter se dissidentes duos habebant, colores, multitudo addidit tertium. » (Meyer.)