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PHILIPPE-LE-BEL. — BONIFACE VIII

devaient rentrer en prison. Parmi les chefs se trouvaient deux hommes aimés du peuple, le doyen des bouchers et celui des tisserands. Celui-ci, Peter Kœnig (Pierre-le-Roi), était un homme pauvre et de mauvaise mine, petit et borgne, mais un homme de tête, un rude harangueur de carrefour[1]. Il entraîna les gens de métiers hors de Bruges, leur fit massacrer tous les Français dans les villes et châteaux voisins. Puis ils rentrèrent la nuit. Des chaînes étaient tendues pour empêcher les Français de courir la ville ; chaque bourgeois s’était chargé de dérober au cavalier logé chez lui sa selle et sa bride. Le 21 mars 1302, tous les gens du peuple se mettent à battre leurs chaudrons ; un boucher frappe le premier, les Français sont partout attaqués, massacrés. Les femmes étaient les plus furieuses à les jeter par les fenêtres ; ou bien on les menait aux halles, où ils étaient égorgés. Le massacre dura trois jours ; douze cents cavaliers, deux mille sergents à pied y périrent.

Après cela, il fallait vaincre ; les gens de Bruges marchèrent d’abord sur Gand, dans l’espoir que cette grande ville se joindrait à eux. Mais les Gantais furent retenus par leurs gros fabricants[2], peut-être aussi par la jalousie de Gand contre Bruges. Les Brugeois n’eurent pour eux, outre le Franc de Bruges, qu’Ypres, l’Écluse, Newport, Berghes, Furnes et Gravelines, qui les suivirent de gré ou de force. Ils avaient mis à la tête de leurs milices un fils du comte de Flandre et un de ses

  1. App. 22.
  2. App. 23.