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HISTOIRE DE FRANCE

petits-fils, qui était clerc, et qui se défroqua pour se battre avec eux.

Ils étaient dans Courtrai, lorsque l’armée française vint camper en face. Ces artisans, qui n’avaient guère combattu en rase campagne, auraient peut-être reculé volontiers. Mais la retraite était trop dangereuse dans une grande plaine et devant toute cette cavalerie. Ils attendirent donc bravement. Chaque homme avait mis devant lui à terre son guttentag ou pieu ferré. Leur devise était belle : Scilt und vriendt, Mon ami et mon bouclier. Ils voulurent communier ensemble, et se firent dire la messe. Mais, comme ils ne pouvaient tous recevoir l’eucharistie, chaque homme se baissa, prit de la terre et en mit dans sa bouche[1]. Les chevaliers qu’ils avaient avec eux, pour les encourager, renvoyèrent leurs chevaux ; et en même temps qu’ils se faisaient ainsi fantassins, ils firent chevaliers les chefs des métiers. Ils savaient tous qu’ils n’avaient pas de grâce à attendre. On répétait que Châtillon arrivait avec des tonneaux pleins de cordes pour les étrangler. La reine avait, disait-on, recommandé aux Français que quand ils tueraient les porcs flamands, ils n’épargnassent pas les truies flamandes[2].

Le connétable Raoul de Nesle proposait de tourner les Flamands et de les isoler de Courtrai. Mais le cousin du roi, Robert d’Artois, qui commandait l’armée, lui dit brutalement : « Est-ce que vous avez peur de ces lapins, ou bien avez-vous de leur poil ? » Le conné-

  1. App. 24.
  2. App. 25.