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PHILIPPE-LE-BEL. — BONIFACE VIII

table, qui avait épousé une fille du comte de Flandre, sentit l’outrage et répondit fièrement : « Sire, si vous venez où j’irai, vous irez bien avant ! » En même temps il se lança en aveugle à la tête des cavaliers dans une poussière de juillet (11 juillet 1302). Chacun s’efforçant de le suivre et craignant de rester à la queue, les derniers poussaient les premiers ; ceux-ci, approchant des Flamands, trouvèrent, ce qu’on trouve partout dans ce pays coupé de fossés et de canaux, un fossé de cinq brasses de large[1]. Ils y tombèrent, s’y entassèrent ; le fossé étant en demi-lune, il n’y avait pas moyen de s’écouler par les côtés. Toute la chevalerie de France vint s’enterrer là : Artois, Châtillon, Nesle, Brabant, Eu, Aumale, Dammartin, Dreux, Soissons, Tancarville, Vienne, Melun, une foule d’autres, le chancelier aussi, qui sans doute ne comptait pas périr en si glorieuse compagnie.

Les Flamands tuaient à leur aise ces cavaliers désarçonnés ; ils les choisissaient dans le fossé. Quand les cuirasses résistaient, ils les assommaient avec des maillets de plomb ou de fer[2]. Ils avaient parmi eux bon nombre de moines ouvriers[3], qui s’acquittaient en conscience de cette sanglante besogne. Un seul de ces moines prétendit avoir assommé quarante chevaliers et quatorze cents fantassins ; évidemment le moine se vantait. Quatre mille éperons dorés (un autre dit sept cents), furent pendus dans la cathédrale de Courtrai. Triste dépouille qui porta malheur à la ville. Quatre--

  1. Oudegherst ne parle pas du fossé, sans doute pour rehausser la gloire des Flamands.
  2. App. 26.
  3. Meyer.