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PHILIPPE-LE-BEL. — BONIFACE VIII

Ce gouvernement de gens de loi montra une vigueur et une activité extraordinaires. Le 23 mars, une grande ordonnance très populaire fut proclamée pour la réformation du royaume. Le roi y promit bonne administration, justice égale, répression de la vénalité, protection aux ecclésiastiques, égards aux privilèges des barons, garantie des personnes, des biens, des coutumes. Il promettait la douceur, et il s’assurait la force. Il releva le Châtelet et sa police armée, ses sergents ; sergents à pied, sergents à cheval, sergents à la douzaine, sergents du guet.

Les deux adversaires, près de se choquer, ne voulurent laisser rien derrière eux. Ils sacrifièrent tout à l’intérêt de cette grande lutte. Le pape s’accommoda avec Albert d’Autriche, et le reconnut pour empereur. Il lui fallait quelqu’un à opposer au roi de France. Le roi acheta la paix aux Anglais par l’énorme sacrifice de la Guyenne (20 mai). Quelle dut être sa douleur, quand il lui fallut rendre à son ennemi ce riche pays, ce royaume de Bordeaux !

Mais c’est qu’il fallait vaincre ou périr[1]. Le 12 mars, l’homme même du roi, le successeur de Pierre Flotte, ce hardi Gascon Nogaret lut et signa un furieux manifeste contre Boniface[2].

  1. Déjà on avait mis en avant un Normand, maître Pierre Dubois, avocat au bailliage de Coutances, qui donna contre le pape une consultation triplement bizarre pour le style, l’érudition et la logique. App. 28.
  2. Dans la suscription, il se fait appeler Chevalier et vénérable professeur en droit. Il s’était fait faire chevalier, en effet, par le roi, en 1297. Mais il n’a pas osé ici, dans une assemblée de la noblesse, signer lui-même cette qualité.