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HISTOIRE DE FRANCE

souffert, la perte de son argent, l’insolente victoire de ses ennemis, cette humiliation infinie d’une puissance infinie, tout cela lui revint à la fois ; sa tête octogénaire n’y tint pas : il perdit l’esprit.

Il s’était confié aux Orsini, comme ennemis des Colonna. Mais il fut ou crut être encore arrêté par eux. Soit qu’ils voulussent cacher au peuple le scandale d’un pape hérétique, soit qu’ils s’entendissent avec les Colonna pour le retenir prisonnier, Boniface ayant voulu sortir pour se réfugier chez d’autres barons, les deux cardinaux Orsini lui barrèrent le passage et le firent rentrer. La folie devint rage, et dès lors il repoussa tout aliment. Il écumait et grinçait des dents. Enfin, un de ses amis, Jacobo de Pise, lui ayant dit : « Saint-Père, recommandez-vous à Dieu, à la vierge Marie, et recevez le corps du Christ », Boniface lui donna un soufflet, et cria en mêlant les deux langues : Allonta de Dio et de Sancta Maria, nolo, nolo. Il chassa deux frères mineurs qui lui apportaient le viatique, et il expira au bout d’une heure sans communion ni confession. Ainsi se serait vérifié le mot que son prédécesseur Célestin avait dit de lui : « Tu as monté comme un renard ; tu régneras comme un lion ; tu mourras comme un chien[1]. »

On trouve d’autres détails, mais plus suspects encore, dans une pièce où respire une haine furieuse, et qui semble avoir été fabriquée par les Plasian et les Nogaret pour la faire courir dans le peuple, immédiatement

  1. Dupuy.