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HISTOIRE DE FRANCE

ledit Pharaon, ceint de tortures par la vengeance divine, mourut le 2 sans confession, sans marque de foi ; et ce jour, il y eut tant de tonnerres, de tempêtes, de dragons dans l’air, vomissant la flamme, tant d’éclairs et de prodiges, que le peuple romain croyait que la ville entière allait descendre dans l’abîme[1]. »

Dante, malgré sa violente invective contre les bourreaux du pontife, lui marque sa place en enfer. Au chant XIX de l’Inferno, Nicolas III, plongé la tête en bas dans les flammes, entend parler et s’écrie : « Est-ce donc déjà toi, debout là-haut ? est-ce donc déjà toi, Boniface ? L’arrêt m’a donc menti de plusieurs années. Es-tu donc sitôt rassasié de ce pourquoi tu n’as pas craint de ravir par mal engin la belle Épouse, pour en faire ravage et ruine ? »


Le successeur de Boniface, Benoit XI, homme de bas lieu, mais d’un grand mérite, que les Orsini avaient fait pape, ne se sentait pas bien fort à son avènement. Il reçut de bonne grâce les félicitations du roi de France, apportées par Plasian, par l’accusateur même du dernier pape. Philippe sentait que son ennemi n’était pas tellement mort, qu’il ne pût frapper quelque nouveau coup. Il poussait la guerre à outrance ; il envoya au pape un mémoire contre Boniface, qui pouvait

  1. Dupuy, Preuves. Walsingham, qui écrit sous une influence contraire, exagère plutôt le crime des ennemis de Boniface. Selon lui, Colonna, Supino et le sénéchal du roi de France, ayant saisi le pape, le mirent sur un cheval sans frein, la face tournée vers la queue, et le firent courir presque jusqu’au dernier souffle ; puis ils l’auraient fait mourir de faim sans le peuple d’Anagni.