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PHILIPPE-LE-BEL. — BONIFACE VIII

passer pour une amère satire de la cour de Rome[1]. Il s’écrivit lui-même par ses gens de loi une Supplication du pueuble de France au Roy contre Boniface. Cet acte important, rédigé en langue vulgaire, était plutôt un appel du roi au peuple qu’une supplique du peuple au roi.

Benoît, au contraire, avait paru vouloir d’abord étouffer cette grande affaire, en pardonnant à tous ceux qui y avaient trempé ; il n’exceptait que Nogaret. Mais leur pardonner, c’était les déclarer coupables. Il atteignit de cette clémence offensante le roi, les Colonna, les prélats qui ne s’étaient pas rendus à la sommation de Boniface.

Philippe, alors accablé par la guerre de Flandre, avait beaucoup à craindre. La meilleure partie des cardinaux refusait d’adhérer à son appel au concile. Le pape devenait menaçant. Le roi en était à désirer l’absolution, qu’il avait d’abord dédaignée. La demanda-t-il sérieusement, on serait tenté d’en douter quand on voit que la demande fut portée au pape par Plasian et Nogaret. Celui-ci s’était probablement donné cette mission pour rompre un arrangement qui ne pouvait se faire qu’à ses dépens. Le choix seul d’un tel ambassadeur était sinistre. Le pape éclata et lança une furieuse bulle d’excommunication : « Flagitiosum scelus et scelestum flagitium, quod quidam sceleratissimi viri, summum audentes nefas in personam bonæ memoriæ Bonifacii P. VIII[2]… »

  1. App. 37.
  2. Dupuy.